Dans combien de temps seras-tu là?

mercredi 10 janvier 2007

Cultiver des attentes réalistes

Tout futur parent se crée des attentes. On rêve, c'est normal. Les futures parents adoptifs ne font pas exception à la règle. N'oublions pas qu'ils sont eux aussi des futurs parents et qu'ils vivent - différemment peut-être, mais avec autant d'intensité - des émotions liées à ce temps de "gestation". En adoption internationale pourtant, tout devient matière à questionnements. Mon enfant sera-t-il en santé? Quel âge aura-t-il? Quels traitements aura-t-i eus depuis sa naissance? Ses parents biologiques étaient-ils en bonne santé? Est-il né prématurément? Combien de temps notre "grossesse" durera-t-elle? Les caractéristiques "particulières" de notre dossier nuiront-elles à nos chances d'adopter? Comment se déroulera notre première rencontre? Reconnaîtra-t-il en nous des gens en qui il pourra avoir confiance ou sera-t-il tout simplement terrorisé de nos différences?

Pour la dernière question, il y a fort à parier que ce sera le cas. Dans la tête de ce petit enfant, les adultes sont trop synonyme d'abandon. Autant ne pas leur faire confiance et ne pas être déçu comme ce fut trop souvent le cas. Il finira par vous faire des sourires c'est certain, mais cela prendra de nombreux mois avant qu'il daigne vous accorder sa confiance. Son expérience de l'abandon est déjà beaucoup plus impressionnante que la vôtre. En quelques mois de vie à peine, il a été abandonné par sa maman biologique - la personne en qui il aurait dû avoir le plus confiance - par certaines de ses nounous. Il a peut-être aussi été confié à une famille d'accueil après son placement et dans l'attente de votre arrivée et voilà que vous, vilaines personnes, l'arrachez encore à ces bras qui l'ont bercé dans les dernières semaines! Comment pourrait-il vous faire confiance et oser croire que vous ne l'abandonnerez pas à votre tour?

Cette question de l'attachement et de la confiance face aux nouveaux parents adoptifs est très difficile à envisager. D'abord, parce que, en tant que parents, on voudrait tellement que NOTRE enfant n'ait pas souffert autant dans ses tous premiers mois de vie. Un petit bébé innocent devrait pouvoir être chouchouté et câliné dès sa naissance sans se soucier du reste. Ensuite, parce que vous, ses parents, vous l'avez attendu et aimé depuis bien avant sa naissance. Au jour le jour pendant des mois et des mois, vous avez pensé à lui, vous attendrissant à la seule et unique pensée qu'un jour, ce petit bout d'être humain ferait son entrée dans votre famille. Vous l'aimez déjà à la folie sans même le connaître.

Mais lui ne vous connaît pas. N'a jamais même envisagé votre existence. Son univers se résume à une maman qui n'a pu le garder et au vide que cela a laissé dans sa vie... à un orphelinat froid, rempli d'autres marmots, où les nounous n'ont pas de temps pour les câlins et les caresses, où le repas frugal est servi à heure fixe même si on meure de faim entre temps, où les temps hors de la bassinnette sont compté au compte-gouttes. Comment pourrait-il savoir que cette femme et cet homme au langage bizarre, aux cheveux et à la peau bien clairs, à l'odeur si différente puissent être sur le point de changer sa vie à jamais?

C'est dans la peau de ce nourrisson terrifié qu'il faut se glisser pour que nos attentes soient les plus réalistes possibles malgré l'enthousiasme étouffant qui nous prendra certainement à la gorge au moment où on nous le mettra enfin dans les bras...

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